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dus à son cou par un lien, et qui criait : Piaoux ! piaoux !

— Qu’est-ce qu’il chante avec ses : Cheveux ! cheveux ! que je dis à mon cousin.

— Tu vas voir ça tout à l’heure, qu’il me dit.

L’individu rentra sous la halle, et bientôt un autre qui venait de la place, criant aussi : Piaoux ! piaoux ! vint le retrouver. Ils avaient une espèce de banc monté dans un coin, avec des marchandises, cotonnades, indiennes, mouchoirs, fichus, et autres affaires comme ça. Et alors des filles vinrent là, parler à ces hommes, et ôtaient leurs mouchoirs de tête et détachaient leurs cheveux. Et eux les maniaient, les soupesaient, regardant de la finesse, de la longueur, de la couleur. Puis les filles voyaient les marchandises, cherchaient ce qui leur convenait le mieux, et paupignaient les étoffes, comme les individus faisaient de leurs cheveux. Et alors ils entraient en marché. Les filles dépréciaient les étoffes, et les marchands les cheveux, et ils disputaient sur la qualité, le prix et tout. Des fois ils ne s’entendaient pas ; les filles remettaient leur mouchoir et voulaient s’en aller. Mais voyant ça, ces individus mettaient quelque chose de plus, un mauvais fichu de rien, un bout de ruban et ils tombaient d’accord. Dans le marché, les filles se réservaient qu’on leur laisserait quelque peu de cheveux par devant, de manière qu’avec leur mouchoir de tête ça ne se connût pas. Quand tout était bien entendu, convenu, ces hommes prenaient leurs ciseaux, et derrière une toile, ils tondaient ces pauvres bestiasses de filles, comme qui tond une brebis. Et pour une saleté de fichu, un tablier, une méchante robe de six francs qu’ils estimaient vingt, ils avaient de beaux cheveux qu’ils revendaient bien chèrement. Des fois, tandis qu’une y passait, il y en avait d’autres là, qui attendaient leur tour ; d’autres qui ne savaient trop comment faire, qui voulaient bien