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VIII


J’ai donné ci-devant un aperçu de nos occupations et de notre travail, suivant les saisons, il est inutile de revenir là-dessus. Les événements sont rares en pleine campagne, du moins de ceux qui valent la peine d’être contés. Il y en a pourtant, auxquels les gens des villes ne font guère attention, et qui, pour nous autres paysans, sont une grosse affaire.

Un matin du mois d’avril 1855, je m’étais réveillé de bonne heure ; la lune rayait, et sentant un brin de froid sous les couvertures, je dis à ma femme : J’ai peur que nos vignes gèlent. Ça me tracassait ; aussi le jour venu je me levai. On voyait bien et on le sentait aussi qu’il faisait froid ; mais de savoir s’il avait gelé, il fallait attendre le soleil.

Après avoir déjeuné, à huit heures, nous montâmes à la vieille vigne, mon oncle et moi, et, suivant rang par rang, il nous fallut bien voir que tous les boutons étaient gelés. De là, nous allâmes aux autres vignes, dans les termes au-dessus de la Borderie et de la Combe : elles étaient gelées aussi, mais comme étant plus éloignées de la rivière que la vieille, il n’y avait pas tout à fait autant de mal, mais peu s’en fallait.