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depuis quinze jours ; jamais je n’aurais cru que, dans ce petit homme, il y eût un estomac aussi chabissous, autrement dit, capable. Nous avions bu du vin du pays, du meilleur, et avec ça deux bouteilles de vin vieux, quand vers la fin du déjeuner Girou me dit : — Avec vous autres, je ne me gêne pas. J’ai ouï parler du vin de Rossignol ; il paraît que c’est quelque chose de fameux. Il y a longtemps que j’ai envie d’en tâter, vous devriez bien en faire porter une bouteille ?

— Ça va, dit mon oncle, mais fais attention que ce vin tape sur la cocarde.

La fille apporta une bouteille de Rossignol, et Girou se passa son envie. Enfin, quand nous eûmes bien déjeuné, bien trinqué, nous allâmes au café. Girou était bien un peu étourdi, pourtant il tenait bon tout de même. Mais enfin après le café, les brûlots, les petits verres, il en avait assez, surtout qu’il voulut fumer un cigare d’un sou ainsi que nous autres. Comme nous n’avions grand’chose à faire, nous le fîmes promener dans Excideuil, histoire de lui faire passer un peu les fumées et puis, à quatre heures nous nous en fûmes ensemble, et nous le quittâmes rendu chez lui, bien content de sa journée.

Le procès avait duré déjà dix-huit mois, aussi il est besoin que je revienne un peu en arrière. Un mois, ou guère s’en faut, après la première assignation de Pasquetou, au mois d’avril 1853, il nous naquit une petite drole que mon oncle voulut appeler Nancy comme sa mère, ce qui fut fait ; mais depuis et toujours, nous l’avons appelée Nancette. Ma femme fut bien contente d’avoir une drole, parce que quand elles sont grandettes, les filles commencent à aider leur mère dans la maison, tandis que les garçons sont toujours dehors avec les hommes. Nous, nous étions bien contents aussi, principalement de voir que ça faisait plaisir à ma femme ; mais quand ça aurait