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Plus tard, nous sûmes que M. Lacaud, outre sa haine contre nous, avait encore de bonnes raisons pour ne pas être content. C’était lui qui avait poussé Pasquetou à plaider et à faire faire beaucoup de frais pensant nous ruiner, et il lui avait prêté vingt-cinq pistoles pour les frais du procès, avec condition qui ne les remettrait pas s’il perdait. Pasquetou se consolait un peu pensant à ça ; il se figurait bien qu’un procès qui durait depuis un an et demi, avec des témoins, des enquêtes, un transport de justice, coûterait plus de vingt-cinq pistoles, et qu’il aurait quelque chose à parfaire, mais il ne se doutait pas du chiffre. Quand on lui dit la note des frais, qui se montaient à près de cent louis d’or, il en devint tout innocent. Il lui fallut emprunter sur son bien pour payer, et, avec les intérêts et les mauvaises années, ça finit par le mettre dans les affaires, tellement qu’il ne s’en est jamais relevé, et que lorsqu’il mourut, ses enfants furent obligés de vendre.

Nous autres trois, en nous en revenant, nous parlions, tout contents et riant de la manière dont notre maire et Pasquetou avaient été coyonnés par cet acte. Quand nous fûmes à Magnac, Girou nous quitta pour s’en retourner à Saint-Germain : — Tu sais, lui dit mon oncle, c’est pour jeudi prochain, ne manque pas !

— N’ayez crainte de ça, Nogaret !

Ah ! il ne manqua pas, le petit Girou. En arrivant à Excideuil, nous le vîmes planté devant l’auberge où nous mettions nos bêtes. Il croyait que nous allions déjeuner là, mais mon oncle dit :

— Pour un déjeuner sellé et bridé comme tu as promis, Hélie, il nous faut aller à l’hôtel de Provence.

Ça n’était pas un endroit pour les paysans, c’était là que descendaient le maréchal Bugeaud et tous les messieurs de par chez nous, et là aussi que s’arrê-