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après il fallait prendre des mauvais chemins jusqu’au bourg, où on était forcé de laisser les voitures, pour aller de pied jusqu’au bois des Fontenelles.

M. Lacaud se trouva chez lui au bourg, comme par hasard, car il demeurait le plus souvent à Périgueux. Il invita tous ces messieurs à entrer chez lui, et là étant, il les convia à déjeuner. Comme il était le maire de l’endroit, qu’il connaissait tout ce monde, ils acceptèrent facilement.

Tandis qu’on faisait sauter les poulets et qu’on mettait le couvert, M. Lacaud emmena le président et un juge sous prétexte de leur montrer le jardin, et là, lorsqu’ils furent seuls, commença à parler en faveur de Pasquetou, expliquait à sa manière comme quoi il avait raison. Et ces deux messieurs écoutaient, ne se prononçant pas, mais ayant l’air d’ouïr complaisamment ce que leur disait ce bon M. Lacaud qu’ils rencontraient partout dans les soirées, à la Préfecture, chez le Receveur général, au Cercle, et qui se trouvait là si à point, pour les faire déjeuner dans un pays perdu ; où il n’y avait qu’une méchante auberge de paysans. Je suis sûr que ces messieurs étaient de bien honnêtes gens, incapables de malverser et de juger contre leur conscience ; mais les choses se présentent tout différemment, selon les dispositions dans lesquelles on les regarde. Le juge prévenu contre quelqu’un a beau être juste, il ne voit pas les choses comme celui qui ne sait rien de ce quelqu’un. J’imagine que lorsque M. Lacaud eut ajouté, comme pour renseigner ces messieurs sur ce que nous étions, que mon oncle avait été arrêté au Deux-Décembre comme un homme dangereux, ils n’étaient pas aussi bien disposés pour nous que pour Pasquetou.

Le hasard nous fit savoir cette manigance. Au-dessous du jardin au pied de la muraille, il y avait un vieux pauvre qui se chauffait au soleil et enten-