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dra ! il y a déjà beaucoup de frais de faits, et ce transport ne coûtera pas bon marché.

C’est étonnant, disais-je quelquefois à mon oncle, que nous n’ayons aucun acte pour ce bois. Nous avions cherché partout, dans le cabinet où étaient nos contrats et nous ne l’avions pas trouvé : tout ce que nous savions, c’est qu’il venait d’un nommé Crabanas de Salevert, et qu’il était à nous depuis l’année de la Grande-peur. Là-dessus, je m’en fus trouver M. Vigier et je lui contai l’affaire. Comme c’était dans cette étude que nos anciens avaient toujours passé leurs actes, je me disais que celui-là pouvait y être aussi : et dans ce cas, les confrontations peut-être nous donneraient raison. M. Vigier me dit de repasser dans quelques jours, qu’il ferait chercher par Girou.

J’y retournai huit jours après, et la première chose que me dit son clerc, le petit Girou, ce fut : — Qu’est-ce que tu payes si je te fais gagner ton procès ?

— Un déjeuner sellé et bridé, que je lui dis.

Et il me montra l’acte, où il était dit, que le bois était limité au midi, par le chemin allant vers Roulède tout droit, passant contre un vieux châtaignier, et que la borne cornière avait été plantée à quarante-deux pas du châtaignier, en suivant droit le chemin du côté du levant.

— Ne dis rien de ça à personne, fis-je à Girou ; fais-moi une copie de cet acte et tu la feras signer par ton patron ; il me la faudrait pour après-demain matin, car la justice vient ce jour-là, et je veux servir ce plat à Pasquetou et à ceux qui le poussent, devant tout ce monde.

— Je te la porterai, me dit Girou, je suis curieux de voir la figure qu’ils feront tous.

Le surlendemain, le tribunal, le greffier, les avoués, les avocats arrivèrent dans deux voitures. Jusqu’à Coulaures il y avait la route, ça allait bien ; mais