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mieux valu que les juges vous fissent expliquer tous les deux, Pasquetou et toi, et ils seraient mieux renseignés à cette heure. Pour des affaires si peu conséquentes il n’y aurait pas besoin de tant de paperasses et de plaidoiries ; avec un peu de bon sens, le premier juge venu pourrait grabeler ça tout seul.

— Sans doute, dit mon oncle en riant, seulement que deviendraient les avocats, les avoués, les huissiers, et le gouvernement qui vend le papier marqué ?

— Mais, disait l’homme de Roulède, pourquoi ces avocats parlaient-ils toujours de Cujat, vu que le bois est dans Saint-Sulpice ?

— C’est que, dit mon oncle en riant un peu, ils ne parlaient pas du bourg de Cujat où l’on fait les bons fromages, mais, je pense, de quelque ancien homme de loi qui s’appelait comme ça.

D’après ce que je comprends, ajouta-t-il, ce procès rapportera gros à tout ce monde-là, car nous ne sommes pas près d’en voir la fin.

Et en effet, les hommes de loi se renvoyaient la balle. Le jour où l’avoué de Pasquetou était prêt, le nôtre n’était plus là, et d’autres fois c’était le contraire. Et puis il y avait toujours quelque chose qui accrochait ; l’un attendait une pièce et demandait la remise ; l’autre avait besoin de voir son client, et tous deux se faisaient signifier force actes pour s’entretenir la main.

L’enquête, plusieurs fois remise de quinzaine en quinzaine, de mois en mois, finit pourtant par avoir lieu ; elle ne fut pas heureuse pour Pasquetou. Il fit venir des témoins qui dirent bien que le châtaignier mort n’avait que deux mars ; mais nous en fîmes venir autant et plus, qui affirmaient qu’il en avait trois.

Il y avait un an que le procès durait, lorsque le tribunal ordonna le transport sur les lieux.

À ce coup, mon oncle dit : — Gare à celui qui per-