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C’était M. Masfrangeas qui nous avait enseigné cet avocat ; il passait pour un homme fort, et je ne doute aucunement qu’il ne le fût ; mais qu’il était embêtant !

Il commença par une longue citation en latin, les bras levés comme j’ai dit, et les laissa retomber, la phrase achevée, comme si cet effort l’eut crevé. Puis il continua lentement, employant de longues phrases qui s’entortillaient, s’accrochaient les unes aux autres, et n’en finissaient plus ; à force de les allonger, il en perdait quasi la respiration. Autant son confrère hachait et mâchait ses mots d’une voix désagréable, autant celui-ci les déroulait gravement d’une voix creuse et solennelle, comme s’il se fût agi d’une cause célèbre, et non pas d’un lopin de bois qui ne valait pas cent sous. Comme il ne voulait pas paraître moins ferré que son confrère, il cita toute une kyrielle d’anciens hommes de loi, et aussi ce Cujas, en prétendant que son excellent confrère l’avait mal entendu ; à quoi l’autre riposta vivement : C’est vous, mon cher confrère, qui l’entendez mal ! Tandis qu’il était lancé dans sa plaidoirie qui s’allongeait, s’allongeait toujours, la tête m’en tournait, et, n’y tenant plus, je sortis.

Au bout d’une heure mon oncle vint me retrouver, et me dit que l’affaire était remise à un mois ; qu’il allait y avoir une enquête pour savoir si l’ancien châtaignier dont il ne restait que la souche pourrie avait trois mars, ou deux seulement, comme le disait Pasquetou. Quoique ce procès ne fût pas bien amusant, je me mis à rire à cette nouvelle, et nous nous en allâmes à l’auberge ; après quoi, nous repartîmes pour le Frau avec un homme de Roulède qui avait témoigné pour nous.

— Certainement, disais-je à mon oncle en nous en allant, ces avocats avec leur fagot de science, sont bien inutiles dans des affaires comme ça. Il aurait