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Les occupations ne nous manquaient pas, comme on voit, et nous faisions tout ça nous seuls. Par exemple, pour les vignes, on les fouissait toutes en deux jours : il venait une douzaine de voisins nous aider, et le second soir à souper, on faisait un peu de festin pour les remercier.

Les jeudis nous allions l’un ou l’autre, mon oncle ou moi, au marché d’Excideuil ; c’est là où nous avions nos affaires, où nous trouvions notre monde. Ma femme y faisait vendre assez souvent par Suzette quelques paires de poulets ou de canards, et quelques douzaines d’œufs. Elle avait beaucoup augmenté le revenu de la basse-cour, sans grande dépense ; ainsi, tous les ans, nous portions au marché de Périgueux une vingtaine de dindons, en gardant notre provision. Elle faisait venir de même beaucoup d’oies, qui profitaient vite ayant la rivière à deux pas, et quand il était temps, la Suzette les gorgeait : une fois fines grasses, on les tuait et on les vendait un bon prix, les foies, la graisse et tout.

Quand la bourrasque politique fut un peu passée, mon oncle se mit à faire du commerce sur les blés, et pour ça il allait assez souvent aussi à Cubjac, et à Thiviers le samedi. À part ces sorties, les jours se ressemblaient fort, car la vie de la campagne est tout unie, sans changements. Le dimanche, pour ça, quand le temps allait bien, nous prenions la chienne, et nous allions tâcher de tuer le lièvre, et lorsque nous en savions un c’était rare que nous ne le portions pas, car notre Finette était bonne, suivait des quatre heures de temps sans lâcher, et mon oncle ne manquait guère son coup ; et puis il connaissait bien les postes. Lorsque nous avions tué un beau mâle dans les huit livres, nous l’envoyions à M. Masfrangeas, et nous faisions de même lorsque nous avions pris quelque belle pièce de poisson. Quand nous mangions le lièvre à la maison, il y avait toujours