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liberté que nous avons aujourd’hui de faire naître ces haines ne pensent pas à tout ça.

Notre petit train de vie était réglé chez nous, et voici comment ça marchait. Le matin à la pointe du jour, nous nous levions, et, après que nous avions fait une frotte et bu un coup, Gustou allait soigner les bêtes, et moi j’allais ouvrir le moulin. S’il y avait du blé à moudre, je montais le sac contre la trémie et j’ouvrais la pelle. Après que j’avais réglé les meules, et que je sentais entre mes doigts que la farine venait bonne, nous allions avec mon oncle lever les verveux, ou les cordes s’il y en avait de tendues, et je mettais le poisson dans le réservoir. À huit heures, nous mangions la soupe ou les châtaignes ; à midi on dînait, et ensuite Gustou ou moi, nous allions rendre la farine. Celui qui restait faisait moudre pour les petites pratiques qui venaient au moulin, portant leurs deux ou trois quartes de blé sur une bourrique. Vers les trois heures et demie, nous faisions collation, et s’il y avait quelqu’un au moulin, nous l’engagions à monter avec nous. Le soir, il était près des huit heures ordinairement, lorsque nous soupions. Tout ça n’était pas réglé à la minute, ça dépendait du travail ; il y avait des fois où nous soupions à sept heures l’hiver, et à neuf dans l’été.

Voilà pour le travail du moulin. Mais en plus de ça, nous avions gardé à notre main assez de terres et de vignes, pour nous occuper les uns et les autres. Le travail changeait comme de juste avec les saisons. Au printemps il fallait donner quelques façons, enter des arbres et sarcler les blés. L’été, c’était les foins, la moisson, les battaisons. Plus tard, il y avait la récolte de la Saint-Michel, les vendanges, les noix et les châtaignes à ramasser, et les labours à faire. L’hiver il y avait les prés à nettoyer, la feuille à balayer dans les bois pour faire la paillade au bétail.