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regardaient tristement ; d’autres entraient chez eux. Quelques bourgeois et messieurs qui se trouvaient là, dans un café, se mirent à la fenêtre et devant la porte, et ricanaient en nous voyant passer. Devant l’auberge du Cheval-Blanc, nous ne vîmes personne ; pourtant Lajaunias n’était pas bien capon, mais peut-être il n’était pas chez lui. À la sortie du bourg presque, cependant, un cordonnier déjà sur l’âge, tout grisonnant, sortit de sa boutique, le tranchet à la main, comme s’il eût voulu tomber sur les gendarmes. Quand il fut tout près de nous, il leva sa casquette et s’écria en regardant les gendarmes, les yeux pleins de colère : — Salut aux bons citoyens persécutés !

— Merci Lafont, merci, dit mon oncle, en lui faisant signe de la main, et nous passâmes.

En arrivant à Saint-Vincent, je vis qu’il y avait deux chevaux de gendarmes, attachés devant la porte d’une auberge où se faisait la correspondance. Quelque ouvrier de la forge nous ayant vus, le dit aux autres et ils sortirent tous, et en tête ce grand à qui nous avions parlé un jour en revenant de Périgueux.

— Tonnerre de Dieu ! cria-t-il, voilà qu’on emmène Nogaret ! Et les gendarmes eurent beau faire, ces forgerons vinrent lui serrer la main. Ils nous saisirent jusqu’à l’auberge où les gendarmes d’Excideuil remirent leur prisonnier à ceux de Périgueux, et là nous trinquâmes, et tous se regardant dans les yeux, dirent : — À la santé de la Marianne ! À la prochaine sortie de Nogaret ! Les gendarmes de Périgueux, cependant, demandaient des renseignements à leurs camarades et se consultaient, puis ils dirent : — Allons ! il faut partir.

Au moment où nous quittions l’auberge, les forgerons levèrent leurs casquettes et crièrent : — Bon courage, Nogaret ! Vive la République ! Après que nous eûmes marché un quart d’heure, les gendarmes s’arrêtèrent et descendirent de cheval, pour faire ce