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— Donne-moi une chemise, des bas, des mouchoirs ; que veux-tu, on ne peut pas le garder, il n’a rien fait : que diable, on ne peut pas mettre un homme en prison, seulement parce qu’il n’aime pas Bonaparte. Allons, console-toi, je vais l’accompagner à Périgueux, et là je verrai M. Masfrangeas ; peut-être qu’il nous aidera à le sortir de prison.

La pauvre créature, tenant d’un bras son petit serré contre elle, de l’autre prenait dans la lingère les affaires qu’il fallait ; mais elle faisait ça machinalement, sans parler, ne sachant trop où elle en était. Je pliai tout dans une serviette, et je lui dis : Reste là ; je ne voulais pas qu’elle vît mon oncle partir. Mais lui vint avec un air tranquille, et l’embrassa en lui recommandant bien de ne pas se faire du mauvais sang, qu’on ne le garderait pas.

Elle ne disait rien et pleurait. Sa poitrine se soulevait, étouffant de gros soupirs. Nous sortîmes, mais quand elle entendit les gendarmes descendre l’escalier, emmenant mon oncle, elle jeta un grand cri, et tomba par terre. Le pauvre oncle, entendant ce cri, voulut remonter, mais les gendarmes l’attrapèrent par le bras et l’emmenèrent. Moi j’étais remonté vitement, et avec la Suzette, je mis ma pauvre femme sur un lit, et je la fis revenir avec du vinaigre. Je restai ensuite un moment avec elle, tandis que la Suzette tenait le petit, et je m’efforçai de la consoler, et de l’arraisonner. Pour lui faire reprendre courage, je lui disais que probablement mon oncle reviendrait avec moi, mais je ne le croyais pas. Enfin, elle se remit un peu, descendit du lit, et la voyant plus tranquille je m’en allai, en disant à Gustou de rester à la maison en tout cas.

Je pris la jument à l’écurie, et tenant le paquet attaché dans la serviette, je la fis courir un peu pour les rattraper. Je me disais en moi-même : L’auront-ils attaché ? Quand je fus tout près d’eux, je vis que