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net. Autrefois, les poules, les canards, montaient tranquillement à la maison pour chercher les miettes de pain tombées sous la table, et ne s’en allaient pas sans laisser leur présent. Même les cochons, parlant par respect, quand on les ouvrait, arrivaient vite dans la cuisine, sentant leur baquade, du moins quand ils étaient lestes, car une fois gras, ne pouvant plus grimper l’escalier, ils restaient au bas, levant le groin en l’air et grognant, en remuant le bout de leur nez garni d’un clou pour les garder de fouir. Maintenant, toutes ces bêtes restaient dehors. Ma femme avait fait faire par Gustou une claire-voie pour mettre à la porte, et les poules et les habillés de soie n’entraient plus.

Dans l’été, d’ailleurs, on mettait la volaille dans l’îlot du moulin, où on avait fait une cabane pour la fermer la nuit, et elle y profitait beaucoup, cherchant des vers dans le terrain frais, les canards trouvant des lamproyons dans le sable mouillé, et toute cette poulaille mangeant tout plein de ces barbotes, de toutes ces bestioles, qui se trouvent dans les feuilles et dans les herbes, sur le bord de l’eau.

Ah ! la Suzette était à bonne école, et faisait un bon apprentissage de ménagère. C’était une fille de bonne volonté, d’ailleurs, et forte, quoiqu’elle n’eût que dans les seize ans. Quand elle faisait cuire pour les cochons elle n’avait pas besoin de personne, pour monter et descendre la grande oulle ; et elle revenait lestement de la fontaine, avec ses deux seilles d’eau, sans souffler tant seulement. Avec ça, un bon caractère, brin méchante, toujours riant, et prête à faire ce qu’on lui commandait.

Moi, j’étais heureux, je ne dis pas comme un roi, parce que je ne crois pas qu’on puisse être heureux dans cette place-là, mais heureux comme un homme qui est bien sain, qui ne manque de rien de ce qui est nécessaire pour vivre, qui à une maison plaisante,