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— C’est que vois-tu, ma fille, répondit-il en se riant un peu, bien peu, je n’ai pas trouvé une femme comme toi… Si j’en avais trouvé une pareille, je me serais marié.

Elle devint un peu rouge :

— Vous dites ça pour rire, oncle ; il n’y en manque pas de femmes comme moi, et qui valent mieux.

Il ne répondit pas, comme quelqu’un qui dit : Ça n’est pas la peine de disputer là-dessus ; je sais à quoi m’en tenir. Et certainement, on voyait qu’il pensait ce qu’il disait ; et d’ailleurs, tout ce qu’il faisait le prouvait bien. Jamais il ne serait allé à Excideuil, ou à Thiviers, ou à une foire quelque part sans dire à Nancy : As-tu besoin de quelque chose ? de ceci ? de cela ? Et elle avait beau dire de non, quand il était parti, et qu’il voyait quelque chose qu’il pensait qui lui conviendrait, il le portait.

Ce n’est pas parce que c’est ma femme, mais c’était bien vrai qu’il n’y en avait pas la pareille à Nancy. De l’heure et du moment qu’elle était entrée dans la maison, tout avait changé de façon. Je ne veux point dire du mal de la Marion, c’était une bonne chambrière, mais ça n’était plus la même chose. La maison était tenue maintenant avec une propreté qui n’est pas bien ordinaire dans nos pays. Les bassines de cuivre accrochées en haut du mur luisaient comme des soleils et en éclairaient la cuisine. Tout était mieux arrangé et placé. Le vaissellier était bien frotté, et les vieilles assiettes à ramages et la vaisselle d’étain, brillantes ; tout ça était bien en ordre et propre comme un sou neuf. Sur des planches, les toupines de graisse et celles de confit étaient alignées par rang de grandeur, et toutes choses pareillement selon leur nature : marmites, poêles, tourtières bien écurées ; jusqu’au quite chalel de cuivre, qui luisait d’un beau jaune d’or dans la cheminée noire. Le plancher de la cuisine était toujours bien propre et