Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

homme bientôt, vous êtes-vous décidée ; que comptez-vous en faire, d’Hélie ?

— Ça dépendrait un peu de lui, dit ma mère, mais il n’a d’idée pour aucun état.

Et c’était bien la vérité.

— Vous savez ce que je vous ai dit ; s’il veut entrer à la Préfecture, dans les bureaux, je m’en charge. Qu’en dites-vous ?

— Je voudrais bien assez, dit ma mère.

— Et toi, Hélie ?

— Je veux bien, monsieur Masfrangeas, répondis-je, pour ne pas paraître ingrat devant tant d’intérêt. D’ailleurs, j’avais tant entendu vanter cette administration, que ça me flattait aussi.

— Il va aller quelques jours au Frau avec son oncle, reprit ma mère ; alors, au retour, vous pourriez le faire entrer.

— C’est cela ; je vais en parler à M. de Marcillac.

C’est ainsi que fut décidée mon entrée dans la carrière de bureaucrate. Si mon père eût vécu, qui était prote à l’imprimerie Lavertujon, il m’eût fait apprendre son métier ; mais ma mère se figurait, la pauvre femme, que les bureaux c’était plus relevé. Tout ce qu’elle avait ouï conter à M. Masfrangeas, de préfets, de députés, ne lui en avait pas donné une petite idée.

Mon oncle et M. Masfrangeas achevaient tranquillement leur gloria, et je les admirais naïvement pendant ce temps. M. Masfrangeas était le bon vrai portrait du Périgordin : tête grosse, encadrée d’un grand faux-col qui lui guillotinait les oreilles, cheveux châtains ébouriffés, yeux bruns, figure rouge. Il avait les traits un peu forts, mais toute sa figure pétillait d’esprit et respirait le bon sens pratique de notre race.

Mon oncle Sicaire ne ressemblait en rien à son ami : il avait les traits réguliers, le nez droit et les