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golfier sans rien, elle fut bien heureuse, et s’il faut le dire, moi aussi. — Ah ! mes pauvres, vous m’avez sauvé la vie ! dit-elle.

Mon oncle lui mit un bordier dans la cour, où étaient les métayers autrefois, et avec la Mïette qui faisait venir beaucoup de poulaille, et vendait des œufs aussi, les jeudis à Excideuil, elle pouvait vivre petitement, mais tranquillement, et c’est tout ce qu’elle demandait. Rien que les truffières de dessous la terrasse lui donnaient bien cinquante écus par an, une année portant l’autre, quoique Germa qui venait avec sa truie à la saison, pour les chercher, la trompât bien peut-être quelque peu.

Dans ce temps-là, notre petit croissait tout à fait bien. Mon oncle avait voulu lui donner mon nom, mais nous l’appelions Lélie pour le mignarder. Ah ! ils étaient bons amis : quand le drole était sur les bras de sa mère et que mon oncle entrait, il se lançait vers lui en criant, et lorsque mon oncle l’avait pris, il s’attrapait d’une main à sa barbe à pleine poignée, et serrait que c’était le diable pour le faire lâcher. En même temps de l’autre main, il lui ôtait son chapeau, comme font tous les petits droles, je ne sais pas pourquoi, et autant de fois que mon oncle remettait son chapeau sur sa tête, autant de fois il le lui ôtait. D’autres fois, étant sur les genoux de sa mère en train de téter, s’il entendait mon oncle parler et s’approcher, il lâchait un peu de téter et le regardait un petit moment en se riant, comme qui dit : — Attends un peu, tout à l’heure ! et tout d’un coup rattrapait son téti.

En voyant comme il aimait ce petit, et comme il était bon et complaisant pour lui, ma femme dit un jour :

— Oncle, c’est bien dommage que vous ne vous soyez pas marié, vous qui aimez tant les petits droles.