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bonnet carré et en surplis, escorté de trois autres curés du pays. Puis le corps suivait, porté sur les épaules de six hommes, et après, la demoiselle Ponsie avec un voile noir et pleurant dans son mouchoir. Derrière elle, venaient les messieurs et les dames ; et, suivant le beau monde, les paysans. À cause de la neige, ça faisait un bruit de pas sourd, et tout ce monde noir avait l’air de couler doucement dans le chemin, comme la rivière au-dessus du moulin.

On n’entendait qu’un petit murmure de voix, des messieurs qui parlaient bas entre eux, et des bonnes femmes qui s’en allaient disant leur chapelet. Par moments, dominant le tout, la voix du curé récitait les chants de la mort.

C’était triste vraiment tout cela, au milieu de la campagne morte et gelée, où les noyers et les châtaigniers avaient l’air de se lamenter en levant au ciel leurs grands mars noueux et dépouillés, tandis qu’en haut, tout à fait en haut, des troupes de graules passaient avec leurs couah ! couah ! mal jovents.

Voilà, me pensais-je en suivant les autres, voilà où il nous en faut venir tous, petits et grands, riches ou pauvres, les uns plus tôt, les autres plus tard, mais sûrement. Il n’y a point de remède à ça, le mieux est d’être toujours prêt, et à cette fin ne point charger sa conscience de mauvaises actions. Et je me disais en moi-même : Supposons qu’il y ait un paradis, comme le prêche le curé Pinot, pour sûr que M. Silain n’y est point, car il n’a guère fait de bien et il a fait assez de mal autour de lui. Et même en y regardant bien, il n’est pas croyable qu’il y aille plus tard.

Sans doute, la demoiselle va lui faire dire assez de messes ; mais c’est à savoir si le curé a le pouvoir de lui ouvrir les portes du ciel. Pour moi je ne le croyais pas, et je me disais que s’il y avait une autre vie où nous serions récompensés ou punis, ça serait