Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Bonsoir, qu’il me dit, je vous porte là un acte ; et en même temps il dévissait une petite écritoire de corne, et prenant une plume dans un étui, il mit au bas qu’il me le remettait à moi-même, en s’appuyant contre le mur.

— C’est bon, fis-je, donnez-le moi,

— Voilà, c’est une opposition au payement de ce que vous restez devoir à M. Silain de Puygolfier. Et il restait là, m’expliquant que c’était au requis de Merlhiat, l’escompteur de Saint-Yrieix, qu’il faisait cette saisie-arrêt, parce que M. Silain lui avait emprunté de l’argent, et qu’il ne payait pas seulement les intérêts. Je n’avais pas besoin qu’il me dit tout ça, puisque je lisais l’acte ; et je le lisais tout du long, attendant qu’il s’en allât. Mais lui restait là, pensant sans doute que j’allais le convier à boire un coup. Mais il se trompait. Ah ! si ça avait pu lui servir de poison, je ne dis pas. Enfin, voyant que je ne lui disais pas de monter à la maison, et que je recommençais de lire son papier par le commencement il s’en alla.

Je portai voir l’acte à mon oncle, qui me dit que ça devait arriver ainsi, vu que M. Silain continuait toujours son même train, et qu’il était entre les pattes de Merlhiat qui lui fournissait quelque peu d’argent, et l’exploitait tant qu’il pouvait comme un usurier qu’il était.

J’étais tout ennuyé de ça, par rapport à la pauvre demoiselle Ponsie qui en était la victime. Je n’ai jamais souhaité la mort de personne bien sûr, et ce que je viens de dire à propos de Laguyonias n’est qu’une manière de parler de chez nous, où on en dit un peu plus qu’on n’en pense, pour le mieux faire sentir. Mais, franchement, je me disais que ça serait un grand bonheur pour la demoiselle, si son père se cassait le cou en allant à cheval, ou bien s’il attrapait quelque coup de fusil par accident à la chasse.