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et vint avec un gendarme pour me demander comment ça s’était passé ; quand ils furent à l’endroit, ils trouvèrent une bourre de fusil ; c’était une feuille de vieux livre. Lorsque je leur eus bien tout expliqué point par point, et que je leur eus dit qui je croyais que c’était, ils s’en retournèrent emportant les plombs qu’on m’avait ôtés du corps, et la bourre du fusil.

À Thiviers ils s’enquérirent. Au bureau de tabac, on leur dit qu’un garçon dont le signalement répondait assez à celui du goujat était venu acheter du plomb double zéro, pour tuer le loup qui venait souvent rôder la nuit autour de son village, à ce qu’il disait. Cet individu avait aussi acheté pour quatre sous de tabac à fumer. Le plomb et le tabac avaient été pliés dans des feuilles d’un vieux livre qui était sur le comptoir, et, vérification faite, la bourre ramassée sur le chemin était une feuille de ce livre.

Le maréchal fut amené à Thiviers et conduit au bureau de tabac. La marchande, interrogée, déclara que celui qui avait acheté le plomb et le tabac avait bien une figure à peu près comme celui-là, mais était bien moins grand.

Il était clair que cette canaille avait fait acheter le plomb par un autre, mais il fallait trouver cet autre. Autrefois la justice n’était pas si bien menée qu’aujourd’hui, et par-dessus le marché, à ce moment-là, les gendarmes avaient assez d’ouvrage pour surveiller les rouges, de manière qu’il arrivait assez souvent qu’il se commettait des crimes dont on ne trouvait jamais les auteurs, comme c’était arrivé pour l’assassinat de ce porte-balle, près du Frau. Ça arriva aussi pour mon affaire : les gendarmes cherchèrent, interrogèrent plusieurs individus, mais, en finale, ils ne purent mettre la main sur celui qui avait acheté le plomb. Pourtant, c’était un ami du maréchal qui ne valait pas plus que lui, comme on le sut trop tard ; ils avaient déjeuné ensemble dans une auberge et il