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dame ; puis l’aînée des demoiselles Masfrangeas, puis la seconde, la troisième…

Mais leur père se récriait en riant :

— C’est assez, allons ! allons !

— Dans une famille il ne faut pas de préférence, disait mon oncle : la plus jeune n’est pas bâtarde, que diable !

Et M. Masfrangeas vidait son verre en déclarant qu’il ne boirait plus.

— Mange donc, lui dit mon oncle en lui donnant un morceau de la tourte bien coupé en coin.

Puis quand la tourte fut avalée :

— Si nous buvions à la santé de Gustou, qui a tué le levraut ? dit mon oncle.

— C’est assez bu, Rétou, dit M. Masfrangeas en posant la main sur son verre.

— Allons, eh bien ! à la santé de la petite Nancy, qui est allée, à demi-lieue, au Bois-du-Chat, pour ramasser les oronges ! Hein ?

— Ah ça ! est-ce que tu voudrais me faire griser ?

— Non pas, je te connais, mon vieux Frangeas, ce n’est pas trois ou quatre bouteilles qui te font peur.

— Autrefois, oui,

— Tiens, du gâteau d’amandes.

Au bout d’un moment : — L’ingratitude, dit mon oncle, est un grand défaut. Tu ne refuseras pas au moins, mon ami, de boire à la santé de ma belle-sœur, qui nous a fait si bien souper ?

— Ha ! pour ça non, et ce sera de bon cœur, dit M. Masfrangeas en tendant son gobelet.

Et nous trinquâmes tous à la santé de ma chère mère.

— Ah ! dit-elle, si mon pauvre Nogaret était là, comme il serait heureux !

— C’était un homme comme il n’y en a guère, dit M. Masfrangeas, d’une voix devenue profonde tout d’un coup : bon comme le bon pain, franc comme