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seuls tous deux, marchant doucement sous les étoiles, serrés l’un contre l’autre, sans rien dire, tant nous étions contents d’être mari et femme pour la vie ! Je ne passe jamais dans les sentiers que nous avons suivis, sans me remémorer cette nuit-là.

J’avais fait le mot à la femme du fermier, et elle nous avait préparé un lit dans une petite chambrette bien propre, où on ne couchait pas d’habitude. Je pris la clef dans un trou de mur qu’elle m’avait enseigné, et étant entrés, je refermai la porte en disant à Nancy : C’est les autres qui seront attrapés quand ils nous chercheront.

En attendant, ils s’amusaient toujours tant qu’ils pouvaient ; quelques-uns se remirent à boire, d’autres dansaient, tandis que les gens raisonnables parlaient d’aller se coucher. Mais auparavant, mon cousin Ricou et Roumy avaient fait faire un tourin à la Marion, et sur les deux heures du matin, il s’agissait de le porter. Mais il fallait nous trouver, ce qui n’était pas aisé, car aucun ne pouvait s’imaginer que nous nous étions en allés à plus de demi-heure de chemin par les bois. Ils cherchèrent dans toute la maison, et ne nous trouvant point, ils pensèrent que nous étions à la Borderie et s’y en furent. Comme ils ne nous y trouvèrent point, ils revinrent au Frau, et descendirent au moulin. Dans la chambre de Gustou, ils le trouvèrent couché avec mon cousin Estève, et allant dans celle de mon oncle, ils le trouvèrent aussi couché à l’ancienne mode dans le grand lit, avec M. Masfrangeas qui ronflait dur. Ils furent tous coyonnés, car aux noces, c’est à qui se moquera des autres : les nôvis se cachent de leur mieux, et les conviés cherchent de même ; tant pis s’ils ne trouvent pas, on se moque d’eux.

C’est ce qui arriva aux nôtres : quand ils revinrent à la cuisine, la Marion et la femme du Taboury et ma tante les plaisantèrent, et leur dirent qu’ils ne