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Maréchou, aussi il y en eut les trois quarts qui y revinrent : la daube est une bonne chose quand elle est bonne.

Ensuite de ça, les femmes portèrent sur la table deux grosses têtes de veau dans leur cuir, avec un bouquet de persil dans la bouche, et le petit Frédéry, qui n’avait jamais vu chose pareille, s’esclaffa de rire tant qu’il put.

Avec une sauce au vinaigre, ça remettait un peu en goût de manger, aussi on ne laissa que les os des têtes.

Puis après on servit des canards farcis et des fricandeaux.

Ça commençait à bien aller ; pour faire passer tout ça il fallait boire, et on buvait sec. Avec ça il y en avait qui commençaient à renâcler et ne mangeaient plus guère, mais les plus crânes allaient toujours. Sans montrer semblant de rien, je regardais faire le père Jardon qui était au fond de la table ; il revenait à tous les plats. Sans doute il se faisait cette réflexion que jamais plus il n’aurait une si bonne occasion, et il s’empiffrait tant qu’il pouvait, et buvait de même. Je crois que même en ce moment l’avarice le poussait, et qu’il se disait qu’en se remplissant bien la panse il n’aurait pas tant besoin de manger chez lui le lendemain.

De mouton, il n’y en avait pas, parce que les gens chez nous ne l’aiment point, je ne sais pas pourquoi. Avec ça, on leur en fait bien manger quelquefois dans les auberges, mais il ne faut pas qu’ils le sachent.

Il y eut un petit moment de repos, et chacun devisait joyeusement en trinquant, pour ne pas rester sans rien faire, quand tout à coup les femmes portèrent trois gros dindons rôtis, et ma foi tout le monde les regarda avec plaisir.

Tandis qu’on les tranchait, les femmes ôtèrent