Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ah ça ! dit au bout d’un moment, derrière nous, mon cousin, vous n’êtes pas bien riants, les nôvis ! Ça n’a plus d’air d’une noce, mais d’un enterrement !

— Il ne faut pas se fier aux apparences, que je lui dis ; nous sommes contents sans que ça paraisse, et plus qu’on ne le peut dire.

— Ah ! par ma foi, le jour de ses noces, il faut faire voir qu’on est content. Si je marchais devant avec Félicité et que nous fussions les nôvis, je serais bien content et je le ferais voir, par Dieu !

— Ne l’écoute pas, Félicité, que je lui dis, c’est un enjôleur de filles.

— Oh ! dit la petite Roumy, n’ayez de crainte, je le sais bien ; mon frère m’a dit qu’il avait une bonne amie à Excideuil.

— Comment ! dit mon cousin, ça se sait jusqu’ici ! Jamais je ne l’aurais cru. Mais ça n’empêche pas que je disais la vérité tout à l’heure. Parce qu’on parle à une fille qu’on a vue en premier, ça n’est pas une raison pour ne pas rendre justice à celle qu’on trouve en second lieu, et même pour ne pas regretter de ne l’avoir pas rencontrée la première…

— Ha ! ha ! ha ! tu entends, Félicité, comme il sait arranger les choses.

— Oui, répondit la drole en riant tant qu’elle pouvait ; je l’entends bien, mais je ne le crois pas.

— Et que faut-il donc faire, dit mon cousin, pour que vous me croyiez ? dites-le, je le ferai, aussi vrai que je m’appelle Gaucher Henri, ou autrement dit, Ricou !

— Rien ! rien ! dit-elle en riant encore.

Tout en babillant comme ça, nous arrivâmes au Frau. Tout le monde s’écarta un peu, au moulin ou le long de l’eau, en attendant le dîner. Les jeunes gens se promenaient avec les filles en leur contant fleurette, et les vieux s’arrêtaient de temps en temps pour prendre une prise. Nancy alla poser son châle