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mon mariage. Aussi, quand tout fut parachevé, je fis tout bas un : Ha ! de soulagement, et nous sortîmes.

Et maintenant, je menais ma femme, et devant la porte, où étaient quelques gens du bourg venus par curiosité, comme nous sortions, des vieilles femmes dirent : À cette heure elle est sienne !

Quand toute la noce fut hors de l’église, les garçons sortirent des pistolets de leurs poches et les firent péter ferme : on connaissait bien qu’ils n’avaient pas ménagé la poudre. Les deux musiciens se mirent en avant avec leurs chabrettes garnies de rubans, et nous voilà allant vers le Frau.

Je serrais le bras de ma femme contre moi, comme si j’avais eu peur qu’on vînt me la prendre, et nous nous parlions tout bas en nous regardant avec amour.

— Tu as ouï, Nancy, lui dis-je, ces vieilles qui, tandis que nous sortions de l’église, disaient : À cette heure elle est sienne !

— Oui, dit-elle, elles avaient raison ; maintenant je suis à vous dans le bonheur ou le malheur, pour la vie…

— Ma chère Nancy !

— … Et je vous promets que je serai pour vous une bonne et honnête femme.

— Oh ! Nancy, que je voudrais t’embrasser pour ce que tu dis là !

— Je mettrai toute ma gloire à faire de manière que jamais vous ne vous repentiez, mon cher Hélie, mon cher mari, d’avoir pris une pauvre fille sans famille et sans fortune.

Tandis que je la regardais, au fond de ses yeux clairs il me semblait apercevoir la bonne conscience qui la faisait parler ainsi.

Puis nous continuâmes de marcher sans rien dire, nous tenant serrés l’un contre l’autre, et bien heureux. Les musiciens jouaient de temps en temps, les pistolets partaient ; mais nous n’entendions rien.