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à la mairie, on se faisait enregistrer, et il y en a encore qui disent comme ça.

Nous eûmes de la peine à entrer, les époux les contre-nôvis, M. Masfrangeas et mon oncle, dans la petite chambre qui servait de mairie. Le père Migot savait tout juste écrire en grosses lettres, et c’était la demoiselle Vergnolle qui écrivait les actes, car nous n’avions pas de régent en ce temps-là, dans notre commune. Il mit ses lunettes de corne, et bredouilla ce qui était écrit sur les papiers. Enfin, nous ayant demandé si nous voulions nous prendre pour mari et femme, après que nous eûmes répondu oui, il nous déclara unis au nom de la loi. Quand tout le monde eut signé, Migot ne manqua pas de prendre ses droits en embrassant ma femme sur les deux joues.

En sortant de la mairie, nous voilà partis à l’église. En entrant, je vis à gauche près du chœur, dans le banc de Puygolfier, la demoiselle qui était agenouillée et priait Dieu, la figure dans ses mains. Aussitôt qu’il nous vit entrer, le marguillier alla quérir le curé Pinot qui, après s’être un peu fait attendre, sans doute pour finir sa pipe, vint et s’alla vêtir dans la sacristie.

Il faut bien dire que ni lui ni son marguiller n’imposaient pas beaucoup plus que Migot. Le curé qui fumait tout le temps, empoisonnait le tabac, et avec ça n’était pas des plus propres, Jeandillou en pantalon de droguet, pieds nus dans ses gros souliers, avec son sans-culotte d’étoffe, et sa chemise attachée par des liens, qui laissait voir les poils rouges de sa poitrine, était bien le marguiller de ce curé, et tous deux étaient assez piètres. Jeandillou tenait un gros livre tout crasseux et estropiait les répons que c’en était risible. Moi, tout ça m’ennuyait fort ; je pensais à la prétendue nièce, et il me répugnait grandement d’avoir affaire à cet homme pour