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noirs. Avec ça, de grands pendants d’oreilles, son beau châle et des petits souliers avec des rubans et c’est tout. C’était une mise campagnarde, j’en conviens, mais je l’aimais mieux que celles des villes. Je n’oublierai jamais, quand je vivrais cent ans, le sourire avec lequel Nancy me reçut lorsque je m’approchai pour l’embrasser : Ma chère femme !

Ce n’est pas la coutume, chez nous, que le père conduise sa fille le jour du mariage. C’est le contre-nôvi qui la mène à l’église et le marié mène la contre-nôvie. Mais pour nous faire honneur, M. Masfrangeas, qui représentait les Messieurs de l’hospice tuteurs de Nancy, la conduisit à la mairie et à l’église. Quand je dis à la mairie, il faut dire chez Migot, parce que de bâtiment communal il n’y en avait pas en ce temps-là. Dans une chambre, chez le maire, il y avait sur une grande table les gros livres du cadastre, les registres de mariage et autres, et un tas de papiers pleins de poussière. Dans un coin, se trouvait un cabinet où l’on sentait qu’il y avait des pommes, et avec un banc et trois ou quatre chaises, c’était tout.

C’est une chose bien étonnante que cette négligence de presque tous les maires de nos campagnes, pour tout ce qui se rapporte à la vie civile. Les hommes de la Révolution avaient voulu affranchir leurs descendants de la tutelle des prêtres, et c’est pour cela qu’ils avaient donné au maire, représentant la commune, la mission de constater les faits de la vie du citoyen, la naissance, le mariage et la mort. Mais par notre bêtise, on a traité les actes civils par-dessous la jambe. Les maires, dupes ou complices des curés, n’ont jamais songé à donner quelque solennité à celui qui y prête le mieux, au mariage. Le peuple en a conclu que ce n’était là qu’une simple formalité. Ça commence à changer un peu ; mais autrefois, le vrai mariage était à l’église ;