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moi, pour lui foutre vingt-cinq francs, il attendra longtemps !

Ah ! il va bien, le fils d’Égalité ; le mois dernier, c’était la loi sur les patentes : voilà que nous ne pourrons plus faire moudre, travailler, sans le payer ; aujourd’hui, nous ne pourrons plus tuer un lièvre dans notre rétouble sans le payer encore !

— Allons ! allons ! faisait M. Masfrangeas en riant, pour le calmer ; mais mon oncle était parti.

— L’argent ! l’argent ! ils ne connaissent que ça, lui et toute sa clique ; il faut payer deux cents francs de taille pour être électeur ; ça fait que des vieilles bêtes, comme chez nous ce grand Champalimaou de Loubignat, nomment nos messieurs à cinq cents francs, et moi et tant d’autres, nous n’avons que le droit de payer ; de payer pour travailler, de payer pour respirer, de payer pour chasser !

Mais ça ne peut pas durer longtemps comme ça !

— Mon pauvre Rétou, dit M. Masfrangeas, ça durera plus que nous.

— Jamais de la vie ! s’écria mon oncle, dans quelques années tu verras ça. Vous autres, dans les bureaux, vous ne savez pas ce qui se passe. Les maires ne disent à la Préfecture que ce qui peut faire plaisir au gouvernement. Laisse faire un peu, les gens sont bien sots, mais ils commencent à s’embêter d’être écrasés sous la charge et rondinés comme des ânes qu’on mène au moulin.

— Tu as raison, mauvaise tête, mettons-le, dit M. Masfrangeas ; mais avec tout cela le levraut va se refroidir.

— C’est vrai ; tu vas voir.

— Hélie, mon fils, dit mon oncle en aiguisant son couteau avec le mien, c’est le moment de descendre à la cave. À droite, dans le coin, tu prendras dans la grande caisse où il y a de la paille, trois bouteilles de