Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.

finit par dire en bredouillant : Bien, bien, merci bien.

— Ma foi, me dit mon oncle en arrivant, tu pourrais bien gagner ton procès, avec la recommandation de Ragot.

Et nous nous mîmes à rire de bon cœur.

Quelques jours après, j’étais seul au moulin ; mon oncle était à Coulaures, et Gustou avait été rendre de la farine aux pratiques. Jetant les yeux en aval, je vis venir, suivant la rivière, le curé Pinot. Il entra au moulin avec un air crâne, mais je voyais bien qu’il y avait un peu de semblant. Il s’était sans doute quelque peu rassuré à propos de Ragot, et s’était peut-être dit que mon oncle avait ajouté de son chef, la pièce à la commission : en tout cas, il faisait comme les gens qui sont dans une mauvaise passe ; il payait d’audace.

— Hé bien, mauvaise tête, que m’a dit ton oncle ?

— La vérité, Monsieur le curé, répondis-je en riant.

— Alors, tu ne veux pas te confesser ?

— Ça n’est pas mon idée.

Là-dessus il se mit à me prêcher, disant qu’en ce cas, il ne pourrait pas me marier, que les sacrés canons s’y opposaient ; que ce serait un grand scandale si nous n’allions pas à l’église ; que les gens ne nous regarderaient pas comme mariés, et beaucoup d’autres choses.

— Écoute, tiens, je suis arrangeant : je vais te confesser là, tout présentement, sur l’heure ; tu n’as qu’à me dire bonnement en gros ce que tu as fait… sans quitter ton travail : voyons, ce n’est pas la mer à boire ?

Mais j’étais entêté, comme avait dit mon oncle.

— Monsieur le curé, je ne veux me confesser d’aucune manière, ni debout, ni à genoux, ni au confessionnal, ni dans le moulin. Si vous ne voulez pas