Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la faute aux journaux qui semaient l’impiété, si on voyait des jeunes gens, baptisés, refuser de se confesser ; mais que pour sûr, il ne me marierait pas…

— Je crois, interrompit mon oncle, qu’Hélie aimerait mieux ne pas se marier à l’église plutôt que de se confesser.

Ah ! là-dessus, le curé s’emporta tout à fait.

— Alors, il se passerait de mariage ? Tout honnête homme ne se croit marié qu’après le sacrement cependant, et sans doute ce ne sont pas les paroles de Migot qui marient ? À la mairie, c’est une formalité civile, un enregistrement, mais le vrai, le bon, le seul mariage entre chrétiens, c’est le mariage à l’église.

— Je ne vous dis pas. Mais vous savez, mon neveu est entêté : il ne se confessera pas, et si vous ne voulez pas le marier sans ça, il se passera du sacrement, comme vous dites ; déjà qu’il n’y est pas trop porté.

— Mais ça ne s’est pas vu, jamais ! s’écria le curé. Tous ces fameux républicains se marient à l’église comme les autres, ce qui prouve bien qu’ils ne pensent pas ce qu’ils disent.

— Que voulez-vous, mon pauvre curé, fit mon oncle en goguenardant : Si ça ne s’est jamais vu, ça se verra la première fois dans votre paroisse.

— Quel scandale ! mon Dieu ! mais ça n’est pas possible, je verrai Hélie.

— À propos, dit mon oncle, en quittant le curé ; il m’a chargé d’une commission. Dernièrement il a vu à Hautefort un de vos pays, un peyroulier appelé Ragot, et ce Ragot lui a fort recommandé de vous dire bien des choses, à vous et à votre nièce.

La colère du curé tomba tout d’un coup. Il ouvrit deux ou trois fois la bouche sans rien dire, comme une carpe qu’on a tirée sur le sable. On eût dit qu’il avait reçu un grand coup dans l’estomac ; enfin, il