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qui accompagnaient Nancy. De lui donner du bien, ça ne se pouvait, puisqu’ils n’en avaient point ; mais la bonne mère nourrice ne voulait pas qu’il fût le dit que sa fille n’aurait rien apporté en mariage, et elle fit mettre dans le contrat qu’elle lui donnait six linceuls de brin tout neufs, autant de serviettes et deux touailles, qu’elle avait fait faire expressément au tisserand, après avoir filé le chanvre aux veillées. Elle avait fait ça sans consulter son homme, sachant bien qu’il n’aurait pas voulu ; aussi il la regarda tout étonné et pas content, mais ne dit rien pour lors, car un moment après, il dit qu’en cas de mort de sa fille, sans enfants, tout ça devait leur revenir.

Mon oncle se mit à rire ; moi j’étais en colère, et la vieille regardait son homme d’un mauvais œil. Mais M. Vigier arrangea ça tout de suite en disant : — Écoutez-moi, Jardon, il vaudrait mieux ne pas parler de ça c’est moi qui vous le dis ; et ce fut fini.

Pour moi, par le contrat, je donnai à ma future femme, pour la mettre à l’abri en cas de malheur, le petit bien du Taboury en toute propriété, et je laissai usufruit à son père et à sa mère nourriciers, comme je l’avais promis. Je n’avais parlé de la donation à personne, sinon à mon oncle ; aussi la vieille et Nancy tirèrent leur mouchoir pour s’essuyer les yeux. Quant à Jardon, il resta tout surpris de cette affaire, ne comprenant pas comment on pouvait donner comme ça son bien. Après ça il regardait le plancher, et on voyait bien qu’il se travaillait à chercher s’il n’y aurait pas quelque chose à tirer pour lui de cette donation. Quand nous eûmes signé, ceux qui savaient, M. Vigier prit ses droits et embrassa Nancy en lui disant : Ma drole, tu te places bien, mais tu le mérites, et ton mari n’est pas à plaindre.

Le soir nous soupâmes au Frau, et je donnai après à ma Nancy tout ce que j’avais porté de Périgueux pour elle. C’était peu de chose, et maintenant, il n’y