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et dans ce temps il me conta sa vie. Elle était sauvage, mais ça ne lui déplaisait point. Des semaines entières, il ne voyait souvent que les muletiers qui venaient charger du charbon, et c’était tout. Le dimanche, il allait quelquefois à Jumilhac ou à Saint-Paul, et portait des vivres pour huit jours. Quand il y avait moyen, il s’en allait tuer un lièvre, avec son chien qui était coupé de courant et de labri, maigre à le traverser avec une aiguille de bas, mais tout à fait bon à ce qu’il disait.

Marsaudou revint et donna sans rien dire l’hâvre-sac à mon cousin, qui en tira une touaille où était pliée une bonne grillade de cochon.

— Ça va bien qu’il dit ; nous avons déjà des gogues ; voyons la soupe maintenant.

Il se lava ferme les mains à une source à côté, mais tout de même elles étaient bien un peu noires encore. Après ça il tailla la soupe dans des petites soupières de terre, chacun la sienne à la mode du pays, et puis mit du bois sec pour faire de la braise.

Quand les trois soupes furent trempées, avec des baguettes de bois posées sur des petites fourches, il fit une manière de gril et y mit la viande et les boudins. Puis il alla tirer à boire, dans une espèce de pichet en bois, à un barriquot qui était dans la cabane, et porta une tourte de pain. Tout étant prêt, nous nous assîmes sur des troncs d’arbres pour souper.

La nuit était tombée tout à fait, et nous étions là, tous trois autour du feu, nos chiens assis sur le cul nous regardant faire. Mon cousin et moi, nous causions tout en mangeant, de choses et d’autres : il me demandait d’où était ma femme future, si elle était jolie, comment j’avais fait sa connaissance, et autres choses pareilles. Marsaudou, lui, ne disait rien, il mangeait, la figure dans sa soupière, comme un affamé.