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— Ça n’est pas commode d’avoir ton adresse, que je dis en riant à mon cousin ; et après lui avoir secoué la main, je lui dis pourquoi j’étais venu.

Sa cabane était là, auprès d’un gros chêne baliveau, recouverte de glèbes dont l’herbe était tournée en dedans. Il couchait là, avec une couverte, sur un lit de fougères sèches où il y avait deux peaux de mouton. Devant la cabane, une marmite pendue à trois piquets assemblés par le haut : — Tu vois, dit le cousin Aubin, c’est la soupe qui cuit, nous ferons chabrol dans un moment.

— Bah ! dit Estève, moi il faut que je m’en retourne, il vaut mieux donc qu’Hélie s’en revienne avec moi, coucher à la cantine.

— Ne l’écoute pas, me dit l’autre, reste avec moi, nous souperons bien, n’aie crainte, et cette nuit nous irons à l’affût des porcs-singlars.

Cette idée me rit, et je restai.

Quand Estève fut parti, Aubin hucha son garçon, en joignant ses deux mains contre sa bouche : Hô ô ô ô, Marsaudoû, oû oû, oû !

Marsaudou, qui était à bâtir un fourneau, arriva un moment après, nu-pieds dans ses sabots pleins de fougère, ses culottes et sa veste toutes dépenaillées, un bonnet de laine brune sur la tête, les cheveux tombant sur son cou, la barbe embroussaillée ; noir, la figure, la chemise et tout, comme un charbonnier, c’est le cas de le dire : on aurait dit un homme des bois, et de vrai il y passait sa vie. Après avoir fait un signe de tête il se planta sans rien dire.

— Tiens, dit mon cousin en lui donnant un hâvre-sac, va-t-en à Saint-Paul, chez l’Arnaud, tu porteras de la viande, deux ou trois livres, et ne t’amuse pas.

Marsaudou fit signe que oui, posa ses sabots et s’en alla d’un bon pas. En attendant qu’il fût revenu, je fus avec mon cousin voir des fourneaux allumés,