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— C’est vrai, et tu fais bonne mesure, car celui-là en pesait au moins cinq.

Là-dessus mon oncle servit à son ami, dont il écourtait le nom par coutume d’enfants, de même que l’autre l’appelait Rétou, un gros morceau de la bête, et la tête, à laquelle tenait un joli morceau du collet.

— Ho ! Ho ! faisait M. Masfrangeas, là ! là ! doucement ! Mais on voyait bien, quoiqu’il ne fût pas façonnier, que c’était un peu par honnêteté, et que cette part ne lui faisait pas peur, et la preuve, c’est qu’il y revint.

— Tiens, cherche là-dedans les instruments de la Passion, dit mon oncle, en lui donnant la tête, on dit qu’ils y sont tous ; pour moi, je ne les y ai jamais vus.

— C’est que vous êtes un païen, mon pauvre Sicaire, dit ma mère, qui fort en retard, mangeait seulement sa soupe.

— Le gueux ! reprit mon oncle en se riant, j’ai bien cru le manquer ; j’en ai eu tout mon faix de le tirer de son trou, sous le roc de Marty.

— Tu finiras par y rester quelque jour, dit M. Masfrangeas, sans autrement s’émouvoir ; mais il disait ça sans y croire, pour parler, et de vrai, il était bien attrapé à sa tête de barbeau.

— Bah ! fit mon oncle, nous autres meuniers, nous plongeons comme des loutres.

Après le barbeau, ma mère apporta un beau plat d’oronges cuites sur le gril avec de l’huile fine et un petit hachis dedans.

— Diantre ! madame Nogaret, vous nous traitez joliment bien, dit M. Masfrangeas.

— Je n’ai pas grande peine à ça, voyez-vous, monsieur Masfrangeas ; c’est Sicaire qui a porté les champignons, comme le barbeau, et aussi l’autre bête qui est à la broche.

— Oui, oui, mais il n’y a que vous pour arranger les