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LE
MOULIN DU FRAU



I


C’était à Périgueux, le soir de la Saint-Mémoire de l’année 1844. Nous étions à souper dans notre petit logement de la rue Hiéras ; il y avait là mon oncle Sicaire, le meunier du Frau, et son vieux camarade et ami, M. Masfrangeas, chef de bureau à la Préfecture, puis moi troisième, jeune drole de seize ans. La quatrième place était celle de ma mère ; mais la pauvre femme ne s’asseyait que par moments, tant elle était occupée du service, comme c’est la coutume chez les petites gens, dans notre vieux Périgord. Parmi les amis de mon pauvre défunt père, ma mère était en grande réputation de bonne ménagère et de fine cuisinière, et ce soir-là elle ne la faisait pas mentir ; aussi lorsqu’après la soupe et le bouilli, elle apporta un gros barbeau en court-bouillon, M. Masfrangeas ouvrit les nasières et, en se penchant un peu, renifla doucement le fumet bon sentant qui montait du plat : Ha ! Ha !

— Tu vois Frangeas, dit mon oncle, que je suis de parole ; je t’avais promis de te faire manger un barbeau de quatre livres pour le moins, et le voilà.