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aussitôt arrivés, ils déchargeaient leurs marchandises, les arrangeaient sur des planches, mettaient une toile sur leur banc en cas de pluie et pour le soleil, et s’en allaient déjeuner afin d’être prêts au moment de la grande poussée.

Vers les huit heures je m’en allai sur le foirail des bœufs, pensant que peut être j’y trouverais mon oncle Gaucher, d’Hautefort. Il n’y était pas encore, mais comme je m’en retournais pour ne pas manquer Labrugère, je le vis qui arrivait par le chemin d’Azerat avec une bande de veaux entravés, qu’il conduisait avec mon cousin l’aîné. Ils furent bien étonnés de me trouver là, et lorsque je leur en eus dit la cause, mon oncle approuva fort Gustou de n’avoir pas voulu de médecin, vu qu’il n’y en avait pas dans toutes nos contrées d’aussi capable que Labrugère pour ces choses-là. Après que les veaux furent attachés aux barrières, mon cousin resta devant, et mon oncle vint avec moi à l’auberge. Comme nous étions là, devant la porte, nous vîmes venir Labrugère sur sa mule. C’était un grand bel homme d’une belle figure, et qui n’avait pas l’air sot. Mon oncle l’aborda tandis qu’il mettait pied à terre, et lui dit qu’on avait besoin de lui au moulin du Frau, pour le garçon qui s’était démis une épaule, et que j’avais marché toute la nuit pour venir le quérir.

— Et où est-ce le Frau ? dit-il.

— Au-delà de Coulaures, à une heure de chemin.

— Ça n’est pas tout près.

Après cela, il me fit raconter comment c’était arrivé et quand, et ce que sentait notre garçon. Lorsque je lui eus bien tout expliqué, il nous dit : Ça ne sera rien. Je vais bien soigner ma mule, faites en autant de votre bête, puis nous déjeunerons et nous partirons.

Ce qui fut dit fut fait. Pendant que nos bêtes, mises à part, mangeaient un bon picotin de civade, nous entrâmes à l’auberge déjeuner tous les trois.