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espacés, parce que, dans ce pays de causse, il n’y a presque point de terre, et les racines ne pouvant s’enfoncer, sont obligées de s’étendre dans la mince couche qui couvre la pierre. On faisait en ce temps de bons bouts de chemin, sans trouver une maison. Depuis il s’en est bâti quelques-unes sur des défriches plantées de vignes, dans les moins mauvais endroits, ou sur le bord des nouveaux chemins, dans lesquelles demeure quelque cantonnier. Mais ça ne vaudra jamais les bons pays des rivières de la Loue, de l’Isle et de l’Haut-Vézère, entre Excideuil et Périgueux.

En passant à la Font-del-Naud, je sentis le froid du matin et je mis ma limousine sur mes épaules. Le coq de la maison chantait à pleine gorge, et alentour, dans les maisons écartées, d’autres coqs lui répondaient. On entendait sur la terre sèche, sonner les sabots de quelque métayer allant à la grange donner aux bœufs ; et au loin, du côté de Gabillou, tintait l’Angelus à une cloche fêlée. Le jour commençait à pointer sur ma gauche vers Azerat, tandis que j’étais au milieu du mauvais chemin qui montait à Thenon. Lorsque je fus en haut du bourg, quelques maisons commençaient à s’ouvrir ; on se levait de bonne heure, à cause du marché. Je descendis du côté de l’église, et j’allai à l’auberge que Gustou m’avait enseignée. Les gens étaient levés déjà, et on mettait les marmites au feu, à seule fin que la soupe fût prête de bonne heure. Après avoir mis ma jument à l’écurie, je revins à la cuisine pour me chauffer un peu. Quand on a voyagé comme ça la nuit, sans dormir, on est, quoiqu’il fasse beau temps, tout de même un peu gourd. Les gens de la maison me dirent que Labrugère arriverait vers les huit heures, et sur ça je me mis à boire le vin blanc avec l’aubergiste. Tout en buvant, il me demanda de quoi il s’agissait ; et lorsque je lui eus dit que notre garçon