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le vieux pont en dos d’âne, où il y avait dans le temps un saint dans une niche. Depuis, on l’a démoli, ce pont, je ne sais pourquoi ; mais il y a des gens qui ont comme ça la manie de renverser tout ce qui est vieux. Il était pourtant bien assez grand pour le monde qui passait dessus, le pauvre pont, et il était un peu plus joli que celui qu’on a fait en place : enfin !

En passant entre les parapets bâtis avec des angles de refuge, je pris garde que je n’entendais sonner que trois fers sur le pavé. Je descendis, et, levant les pieds de ma jument, je vis qu’elle avait perdu un fer de devant, ce qui n’était pas bien étonnant dans ces mauvais chemins pierreux où j’avais passé. Je m’en allai tout droit, voyant cela, chez un de nos parents, qu’on appelait le grand Nogaret, parce qu’il avait cinq pieds six pouces, et, cognant à la porte, je l’éveillai.

Il vint tout en chemise ouvrir, et quand il me vit, il s’écria : Hé ! c’est toi, Hélie ! est-ce qu’il est arrivé quelque chose, au Frau ?

— Gustou s’est démis une épaule, et je vais à Thenon chercher Labrugère ; mais la jument a perdu un fer, et il me faut le faire remettre : viens avec moi chez le faure, je ne sais où c’est.

— Attends que je mette mes culottes, fit-il.

Le faure n’était pas chez lui, mais sa femme nous dit qu’il devait être à l’auberge, chez Devayre. Il y était, en effet, qui jouait à la quadrette en buvant du vin blanc. Il voulait finir sa partie ; mais le grand Nogaret lui expliqua que ça pressait et pourquoi ; alors il donna son jeu à un qui regardait derrière lui, et vint avec nous.

Il fallut allumer la forge, ajuster un fer, le poser, tout ça prit du temps, en sorte qu’il était plus de onze heures quand je partis de Tourtoirac.

— Quand tu seras entre Chourgnac et Saint-Orse,