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— Alors, comme je veux la faire danser tout d’abord, lui répondis-je, j’aime autant avoir à faire à toi de suite : allons dans le pré, là derrière,

Une fois dans le pré, nous posâmes nos vestes pour ne pas les gâter, et les coups de poings et les coups de pieds commencèrent à rouler. Après un instant, je vis que ce grand gaillard n’était pas si terrible qu’il voulait en avoir l’air. Il était dans une colère noire et rageait, mais ça ne l’avançait à rien. Moi j’étais en colère aussi, mais je voyais tout de même mon affaire. À un moment où il m’avait manqué je lui ajustai sur un œil un coup de poing qui lui fit voir trente-six chandelles, et en même temps un grand coup de pied dans l’estomac qui le démonta. Sur ce coup, je me jetai sur lui et l’empoignai à bras-le-corps. Il se défendit bien tant qu’il put, mais en finale, je le couchai tout du long sur l’herbe et, tombant sur lui, je le tins sous moi.

— Et à présent, lui dis-je, m’empêcheras-tu de danser avec qui il me plaira ?

— Voleur de meunier ! cria-t-il, et il se mit à se débattre, et à chercher à se relever, mais voyant qu’il n’y arrivait pas, il me mordit au bras.

Ah ! cette fois la colère me monta tout à fait. Je le pris par le cou, et je lui mis un genou sur le ventre : Canaille ! puisque tu mords comme un chien, je t’étrangle comme un chien !

Lorsqu’au bout d’un instant je le vis tirer la langue, je le laissai et, reprenant ma veste, je m’en allai.

— Tu me la paieras ! dit-il, lorsque je fus loin.

En rentrant dans le bal, j’allai vers Nancy qui était pâle, assise sur une chaise.

— Vous venez de vous battre avec ce vaurien, je l’ai bien connu.

— Je l’ai un peu secoué, lui répondis-je, parce qu’il voulait faire l’insolent : ce n’est rien.