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le rencontrait des fois bien de bonne heure, rendu de fatigue, ce qui montrait bien qu’il avait couru toute la nuit après les chiens. Il était souvent malade aussi et il avait de fausses digestions, lorsqu’il avait mangé quelque vieux chien trop dur.

Une nuit, en passant près du village de La Brande, il attrapa un coup de fusil qui l’empêcha de sortir, et le fit boiter assez longtemps. Enfin, il est au su de tout le monde qu’il creva après avoir mangé le chien du métayer de M. Lacaud, à la Bouyssonie, qui était très vieux. On trouva même chez lui une des pattes du chien qu’il avait vomie, mais il n’avait pu rendre l’autre, c’est ce qui l’avait étouffé.

Tout ce que je dis là ce n’est pas des menteries, et vous savez tous que le curé Pinot dit qu’un être comme ça ne pouvait pas être enterré comme un chrétien. C’est pour ça qu’on l’a mis dans un trou en dehors du cimetière, le long du mur, près de la porte.

— Et c’était tout bonnement un pauvre malheureux malade de la vessie, qui se promenait la nuit ne pouvant dormir, dit Lajarthe à mon oncle.

Mais aller dire ça aux autres, c’était inutile.

— Ça n’est pas étonnant après ça, disait Lajarthe, que le dix décembre il n’y ait eu dans la commune, que deux voix pour Ledru-Rollin, la tienne, Sicaire, et la mienne. Faut-il que le peuple soit innocent ! Où les mènera-t-il le neveu de leur empereur ? Il y en aura plus de quatre de ceux qui l’ont nommé qui quelque jour en paieront les pots cassés.

— Que veux-tu, disait mon oncle, les pauvres gens sont plus à plaindre qu’à blâmer. Tous les gouvernements ont eu bien soin de les laisser dans l’ignorance ; et ceux auxquels ils ont confiance parce qu’ils sont instruits ne cherchent qu’à les tromper et à leur faire prendre le contre-pied de leurs intérêts.

— C’est vrai, répondit Lajarthe ; il n’y a pas de bêtises qu’on ne leur ait contées : jusqu’à leur faire