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et j’ai ouï dire à des anciens qu’il avait le pouvoir de faire grêler en battant l’eau d’une fontaine, et de jeter des sorts sur les gens et les bêtes. Mais quoiqu’on ne l’aimât pas, on ne lui disait rien parce qu’on en avait peur.

Pour le fils, c’est une chose sûre et certaine qu’il était lébérou. Raynalou, le marguillier d’avant celui d’à présent, qui le détestait plus encore que les autres, parce qu’il entendait quelquefois son curé dire que c’était un coquin bon à traquer comme un loup qu’il était, l’avait épié et l’avait vu à la Font-Close donc, une nuit, entrer dans l’eau du bassin et la battre un moment, puis après sortir de l’autre côté, habillé d’une peau de loup que le Diable lui avait baillée. Raynalou avait bien apporté son fusil pour lui tirer dessus ; mais quand il vit cette bête trottant à quatre pattes dans la combe et venant vers la lisière du bois où il était caché, il avait eu tellement peur qu’il l’avait manquée, et s’en était engalopé laissant là son fusil. Mais le Lébérou l’avait facilement attrapé, lui avait sauté à la chèvre morte sur les épaules, et s’était fait porter une grande heure de chemin, de manière que le pauvre marguillier était rentré chez lui à moitié crevé.

Il faut vous dire que ceux qui sont lébérous, ça les prend la nuit, lorsque la lune vient pleine. Ils se débattent, sortent du lit, sautent par les fenêtres sans se faire de mal, preuve qu’ils sont bien lébérous, et vont à leur fontaine.

Ce Meyrignac donc courait comme ça la nuit dans les terres, les chemins et les villages, et il mangeait tous les chiens qu’il pouvait attraper. Quand il rencontrait quelqu’un, il se faisait porter comme il avait fait à Raynalou. À chaque pleine lune on était sûr qu’il manquait quelque chien dans la commune. Le matin, avant la pointe du jour, il revenait à la fontaine poser sa peau de loup, et rentrait chez lui. On