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reilla la grande table pour souper. Il était onze heures et demie, il était temps. Comme d’habitude, lorsqu’on énoise, il y avait des haricots qu’on mangeait avec des bons millassous faits par la Mondine, tandis qu’on travaillait. Avec ça, du bon petit vin pétillant qu’on versait à pleins verres, et tout le monde était content.

— Ah ça mais, dit quelqu’un, Gustou, tu n’as pas parlé du Lébérou ?

— Laissez là le Lébérou, dit Lajarthe, parlons d’autre chose, n’est-ce pas, Sicaire ?

— Mon pauvre Lajarthe, dit mon oncle, il me faut bien laisser mes voisins qui sont venus me donner un coup de main, s’amuser à leur façon ; ce soir tu n’y ferais rien.

— C’est ça ! c’est ça ! parle du Lébérou, Gustou.

Et voilà Gustou parti.

— Vous connaissez tous, dit-il, cette vieille fontaine bâtie en gros quartiers et entourée de saules creux où nichent les chouettes, qui se trouve derrière Puygolfier, au nord, au fond de la grande combe entourée de bois, où est le pré de Migot. Vous avez vu que l’eau coule, de la fontaine à moitié écrasée, dans un bassin carré, où les gens du château lavaient autrefois la lessive, mais qu’ils ont abandonné depuis longtemps que l’endroit est mal fréquenté.

L’eau n’est pas sale, mais avec ça elle paraît noire et c’est à peine si on peut se mirer dedans. Eh bien, c’est là que les lébérous, quand il y en a dans le pays, viennent changer de peau. Le dernier lébérou connu, c’était Meyrignac, qui demeurait dans cette maison seule que son père avait fait bâtir dans les friches, près du sol de la dîme. La raison pourquoi l’ancien Meyrignac avait fait bâtir dans cet endroit perdu, c’est que les gens ne l’aimaient pas, parce que c’était un ancien curé qui, à la Révolution, avait posé sa soutane, et s’était marié. Avec ça il était sorcier,