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Puygolfier avec la permission de la demoiselle, et d’autres de par-là, des métayers du château et des voisins. Les énoisements, c’est comme une espèce de fête chez nous. Les hommes avaient porté leur petit maillet et cassaient les noix ; les femmes triaient.

Lajarthe comme de coutume, lorsqu’il en trouvait l’occasion, prêchait un peu pour la République, il tâchait de faire comprendre ses idées, et expliquait à tous des choses dans leur intérêt. Mais c’était trop sérieux pour ce soir-là. En énoisant, on aime mieux rire avec sa voisine, écouter des contes et des histoires, et causer des vieilles superstitions apprises des grand’mères.

Ça c’était l’affaire de Gustou qui connaissait ces choses à fond : c’était lui qui mettait une souche au feu le soir de Noël, et il fallait qu’elle fût de cerisier, de prunier ou de quelque autre arbre à fruit. Et il pronostiquait toujours de bonnes choses en la voyant bien brûler, et faire une belle braise ; mais c’était lui le sorcier, car il avait eu le soin de la mettre longtemps à l’avance sécher dans la fournière. Il gardait soigneusement des charbons et des cendres de la souche, pour guérir des maladies aux gens et aux bêtes, et pour d’autres affaires encore.

C’était encore maître Gustou qui le premier jour de mai, perçait un barriquot de vin blanc, et apportait l’ail nouveau, pour faire des frottes avec du lard frais, en buvant de bons coups :

— Ô mai ! ô mai ! ô le joli mois de mai !

À la Saint-Jean, c’était aussi lui qui plantait le feu à la cafourche du chemin, et le couvrait de feuillage vert avec un beau bouquet à la cime. Les tisons il les emportait à la maison pour la préserver du tonnerre. Il attachait aussi le matin à la porte de la grange, une croix faite avec des fleurs des prés. Sous son traversin, il avait toujours dans un sac, des herbes de la Saint-Jean, cueillies à reculons,