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chants joyeux. La mariée, en commençant, se cachait bien un peu sous les draps, mais ma foi, elle en prit son parti, et s’assit bravement sur le lit, un peu rouge tout de même. On leur donna à laver tous deux en cérémonie, et quand ils se furent essuyé les mains on leur servit à chacun une bonne assiettée de tourin, noir de poivre. Pendant qu’ils mangeaient, les plaisanteries marchaient et elles étaient aussi poivrées que le tourin. Quand ils eurent fini, on présenta au marié un verre plein : il en but la moitié et donna l’autre à sa femme. Après qu’elle eut bu, on remplit le verre de nouveau, et on le présenta à la mariée, qui en but la moitié et passa le reste à son mari. Quand ce fut fait, le contre-novi, un beau coq de village, chanta une antique chanson patoise de circonstance, qu’on avait dû chanter à la noce de l’ancien Nogaret, le meunier des moines.

Tout le monde reprenait le refrain en chœur, et chacun s’accompagnait en choquant les assiettes, la bouteille et le verre avec les cuillers ou un couteau ; ceux qui ne tenaient rien tapaient dans leurs mains.

La chanson finie, par une signifiance cachée des mystères de la noce, le contre-novi cassa le verre où les mariés avaient bu, en le choquant contre la bouteille. Au nombre de morceaux, on leur prédit qu’ils auraient neuf enfants, ce qui les fit éclater de rire, et tout le monde se retira en les engageant à travailler à justifier la prédiction.

Le lendemain fut un lendemain de noce, c’est-à-dire la continuation des ripailles. Mais le troisième jour, mon cousin me mena à Brantôme où c’était la fête.

Ce jour-là, tous les meuniers du pays faisaient à celui qui ferait le mieux claquer le fouet. Il en venait de Champagnac, de Quinsac et des moulins en amont, et aussi de ceux qui étaient sur la Côle jusqu’à Saint-Jean. Du côté d’aval, il en montait de vers Valeuil, Bourdeilles, du moulin de Renamont, au-