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trajet pour y monter. Les étrangers y apportaient une fois par mois, comme un écho de ce qui se passait ailleurs, et des choses nouvelles ; mais tout ce qui n’était pas connu, expérimenté, devenu commun, était regardé avec défiance, dans cet endroit où régnait la sainte routine. Pourtant, depuis la République, on y avait formé un club qui se tenait au-dessus de la halle, dans la chambre d’audience ; et quelques-uns qui étaient sortis de leur village, essayaient d’y introduire les idées nouvelles et d’y faire connaître le progrès, mais sans beaucoup de réussite, à preuve que le club finit par tourner à la farce.

Deux souvenirs avaient survécu dans la mémoire des gens : celui des Anglais qui avaient assiégé deux fois l’ancien château, et celui du représentant Lakanal, qui, en 1793, avait fait réparer le grand chemin venant de Limoges, qui passait au-dessous de La Peyre et allait tomber au Cimetière-des-pauvres, pour se diriger sur Cahors. Ce n’était pas tant la réparation elle-même qui avait frappé les esprits, que les moyens employés. Sauf les femmes, les petits enfants et les vieillards, tous avaient dû travailler à cette réparation, paysans, messieurs, riches, pauvres. On se rendait sur les chantiers, avec enthousiasme, tambour et drapeau en tête, pour ne revenir que quand battait la retraite ; on avait vu même des dames pleines d’un zèle patriotique, apporter au chantier civique des pierres dans leurs paniers.

Je restai chez ma tante encore deux ou trois jours après la foire, et puis je m’en retournai au Frau.

Mon oncle et Gustou m’eurent bientôt appris le métier, qui n’est pas bien difficile. Ils me montrèrent à conduire une paire de meules, à connaître quand la farine venait bien, et quand il fallait donner de l’eau, ou baisser les pelles. Je sus bientôt picher une meule, et connaître la pierre à œil de perdrix, qui fait les meules bonnes pour le seigle, et la pierre à fusil qui