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Et il s’esclaffait de sa plaisanterie, le brave homme, la bouche fendue jusqu’aux oreilles.

— Moi, tous les ans, continua-t-il, je descends dans le plat pays étamer et faire des cuillers d’étain.

Après cela, le rétameur me demanda de quel côté j’étais. Lui ayant répondu que je demeurais par là-bas, entre Coulaures et Thiviers, il s’écria : — Tiens ! comme ça se trouve : J’ai un pays par là, le curé Pinot.

— C’est notre curé, lui dis-je.

— Ha foutre ! et comment qu’il se porte ce brave Pinot ?

— Oh ! il est solide comme un pont. Il aime un peu plus à aller dans les bonnes maisons que chez les pauvres, parce qu’on y est mieux, et il parle un peu trop de politique ; mais autrement, ce n’est pas un méchant homme.

— Et on ne caquette point sur son compte ? autrefois c’était un luron.

— Non, il vit tranquillement avec sa nièce, et on ne parle pas mal de lui.

— Sa nièce : mais il n’en a pas ! c’est-à-dire il en a, mais elles sont au pays, mariées toutes deux : c’est une nièce pour rire, bien sûr ! je les connais les Pinot de longtemps, vous pensez, nous sommes leurs plus proches voisins.

— Ma foi, dis-je, ça se peut bien, ce que vous me dites, mais là-bas, tout le monde croit que c’est sa nièce.

— Ha ! ha ! ha ! le bougre ! et le rétameur se faisait une pinte de bon sang à cette idée. Vous lui direz que vous avez vu son camarade Ragot, ça lui fera plaisir.

Mon cousin vint me chercher pour manger la soupe, et je quittai le joyeux Auvergnat, un peu étonné de ce qu’il m’avait dit, touchant notre curé.

Tout en me lavant les mains à l’évier je voyais