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bes elle était déjà vieillotte et le paraissait encore davantage. Elle ne s’était pas mariée, non plus que son frère, et ils vivaient là tous deux, petitement, avec tout plein de souvenirs et de coutumes du passé.

Après avoir fait mes politesses à la sœur, je traversai la cuisine pavée de cailloutis. Au fond, un corridor aboutissait à une petite cour où s’amusaient les enfants pendant les récréations. À gauche, c’était le cellier, à droite, la classe : j’entrai. M. Lamothe était là, se balançant sur sa chaise adossée au mur, et il fit une exclamation en me voyant : Sapredienne ! Dans la classe, c’était comme de mon temps ; on n’était pas aussi bien installé qu’aujourd’hui. Trois grandes tables ordinaires, comme des tables de cuisine, avec des marelles tracées au couteau par les enfants, des bancs de chaque côté, une chaise pour le régent, les bissacs où les enfants portaient leur déjeuner, pendus aux murs mal crépis et pleins de petits trous où on prenait du sable pour sécher l’écriture ; et voilà, c’était tout : de cartes, de tableaux, point.

L’hiver, chacun apportait une bûche, ou un petit fagot, et on faisait du feu dans la grande cheminée qui fumait quand soufflait le vent de travers.

— Allez vous amuser un moment, dit M. Lamothe. Et une vingtaine d’enfants se jetèrent dehors avec bruit.

Il n’était point trop changé, M. Lamothe ; il avait bien quelques fils blancs dans ses grands cheveux coupés également sur le cou, et qu’il rejetait souvent en arrière avec ses cinq doigts étendus à mode de peigne. Sa figure longue avait bien quelques rides de plus, mais c’était toujours le même grand front comme un chanfrein de cheval. On dit que ces têtes-là sont les meilleures, mais je n’en sais rien. Avec ça il était vêtu toujours d’une veste à larges boutons, et son pantalon avait toujours dans le bas des traces de terre rouge.