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de crimes, disant que les gens se grisaient, ou avaient des indigestions par sa faute, et qu’il était cause que des filles neuf mois après, échappaient une maille.

Après ça, l’avocat de Carnaval parlait pour lui, exposant qu’il réjouissait tout le monde, qu’il faisait manger de la viande à ceux qui n’en voyaient pas de toute l’année, et aussi qu’il rassemblait la famille, et la maintenait en paix et bonne amitié par le moyen des trinquements.

Mais toujours, Carnaval était condamné, le pauvre, et on le montait à la cime de la place pour le fusiller, et au moment où on lui tirait dessus, celui qui le tenait le laissait tomber, et puis on le brûlait.

En m’en allant de l’autre côté, vers l’hospice, je passai devant l’arceau du maréchal, où il ferrait à couvert par le mauvais temps. C’est là, que nous nous battions entre enfants, non toujours pour une raison quelconque, mais pour la gloire, comme le défunt empereur.

On se mettait une paille sur l’épaule, et on la présentait à un autre :

— Ôte la paille !

— Tiens ! la voilà !

Pan ! pan ! et nous nous bourrions de coups de poings : les nez saignaient et nous finissions par nous prendre au corps et par rouler dans la poussière noire et le frasi.

C’est sur ces chemins du bourg et sur la place qu’on faisait de belles processions. Une année surtout, où il y avait un drole de cinq ou six ans, un petit saint Jean, nu comme lui quasi, moins une courte peau de mouton attachée sur ses épaules, qui ne lui cachait pas ses pauvres petites cuisses. Il menait un agneau apprivoisé avec du sel, et la jeune bête venait sentir la main du petit, croyant y en trouver encore. Il y avait aussi d’autres droles