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pas loin d’ici, dit-il en regardant mon oncle, quelqu’un qui m’aurait aidé, je le sais ; mais moi j’aime mieux rester ici, où je suis comme chez moi, sans en avoir les tracas.

Tout le monde se mit à rire, et Lajarthe reprit :

— Tout ça, c’est très bien, tu te plais ici, restes-y, la liberté avant tout ; mais ça n’empêche pas que ce que je dis soit vrai.

C’est des idées comme ça, qui faisaient que le curé Pinot appelait Lajarthe : révolutionnaire, communiste ; car on parlait beaucoup de communistes alors. Mais lui s’en moquait, et disait qu’il n’était pas communiste, ne voulant pas renoncer à sa liberté, à seule fin de travailler pour les fainéants ; qu’il ne demandait que deux choses : chacun pour soi et chez soi, et de bonnes lois pour tous. Ce pauvre Pinot n’entend rien à ces affaires, faisait-il. Il devrait savoir que Jésus-Christ, les apôtres et les disciples, étaient communistes, comme le disait l’ancien curé Meyrignac, qui avait posé la soutane à la Révolution. Lui-même l’a lu dans son livre d’évangiles, mais il ne comprend pas seulement ce qu’il lit ; pourvu qu’il ait sa pipe et sa nièce, il trouve que tout est bien.

Et on riait.

Lorsque tous mes habillements de meunier furent finis, je m’habillai avec, le matin, et la Mondine serra mes effets de la ville dans la grande lingère ; ils doivent y être encore, pour moi, je ne les ai jamais revus. Dans l’après-midi, mon oncle allait partir avec la mule pour rendre de la farine à Puygolfier. Donne-moi le fouet, lui dis-je ; je vais y aller ; et me voilà parti. J’avais ressenti, je ne sais quelle sotte honte à l’idée de me montrer ainsi vêtu devant la demoiselle Ponsie, mais je fis comme j’ai accoutumé de faire depuis, de marcher droit à ces fumées vaniteuses, ce qui est le vrai moyen de les dissiper.

Arrivé dans la cour, j’attachai la mule à un anneau