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comme on peut penser. J’allai me coucher de bonne heure et je me mis à penser à ma pauvre mère ; puis accablé par la fatigue et la peine, je m’endormis comme une souche.

Le lendemain je descendis au moulin, et je me mis à demander choses et autres à Gustou, sur la conduite des meules et les affaires du métier. Ho ! dit mon oncle en survenant, tu ne veux pas faire sans doute le meunier, avec ton habillement de monsieur ? Demain nous irons à Excideuil chercher de l’étoffe pour t’habiller. Toi, aujourd’hui, va-t-en chez Lajarthe ; il ne doit pas y être, mais quelqu’un des voisins te dira où il travaille par là, et tu iras lui demander quand est-ce qu’il pourra venir pour te faire tes habillements.

Je pris un bâton et je traversai la rivière en passant sur les gros quartiers posés exprès le long du gué, puis prenant par de petits chemins et des sentiers, je montai jusqu’au village où demeurait Lajarthe. Il n’y était pas en effet, et personne ne put me dire où je le trouverais. Au reste, il n’y avait pas grand monde là, que quelques vieux ; tout le monde était dans les terres. Une bonne femme me dit pourtant que le matin il avait dû passer au bourg chez Maréchou l’aubergiste. J’y allai, et Maréchou me dit que Lajarthe travaillait dans une maison à Lavergne, du côté de Clermont-d’Excideuil. Chez qui, il n’en savait rien. Mais le village n’est pas bien grand et quand j’y fus, j’eus bientôt trouvé mon homme. La femme me fit tourner vers le feu, et quand Lajarthe eut dit que j’étais le neveu de Nogaret le meunier, elle déclara qu’elle m’avait vu au moulin lorsque j’étais petit, mais qu’elle ne m’aurait pas reconnu, et elle répéta ça, comme si c’eût été quelque chose d’extraordinaire. Après ça, elle me convia à boire un coup, et mit le chanteau sur la table avec une touaille et alla tirer à boire. Les hommes de la maison