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dans la prison, là-bas près de Tourny, attendant son jugement, car son affaire avait été renvoyée par la Cour d’assises à une autre session, je m’en allais sans crainte, ne pensant pas qu’on pût sortir aisément de la prison, comme il le fit plus tard. Il faisait beau temps, les chiens jappaient fort lorsque je passais dans les villages, mais ça ne m’effrayait pas, connaissant le proverbe, et j’entendais sans m’en émouvoir le clou ! clou ! des chouettes sorties des creux des noyers.

Après avoir marché plus de quatre heures de temps, j’entendis les écluses du Frau devant moi. Je pris à droite par un petit sentier qui passait dans un bois, et ayant traversé l’Isle à un gué où il y avait de grosses pierres, je me trouvai à l’orée de la plaine en face de Puygolfier qui se voyait tout noir à la cime du terme. Je restai là un moment essayant de reconnaître la fenêtre de la demoiselle, mais je ne pus, étant trop loin. Je traversai les terres au plus court, et je me mis à grimper au milieu des chênes truffiers. À mi-côte, je m’arrêtai encore, et je reconnus la fenêtre. Je restai là un moment en contemplation, pensant à la demoiselle Ponsie qui dormait tranquillement sans doute. Aucune mauvaise pensée ne me troublait ; j’étais seulement content, heureux, de penser à elle, d’être près d’elle, de voir la fenêtre de la chambre où elle dormait. On n’entendait aucun bruit au château ; les chiens qu’on laissait la nuit en liberté dans la cour, s’étaient retirés au chenil sans doute. Je m’approchai doucement encore, jusque sous la terrasse, mais à ce moment, m’ayant ouï ou éventé, ils sortirent du chenil en hurlant et vinrent jusque sur le rebord de la terrasse ; et tandis que je descendais en galopant à travers les arbres et les rocs, ils braillaient comme si un lièvre leur fût parti sous le nez.

Je repris mon chemin, et vers les cinq heures,